• JtlP.9 : Quelque part au nord de Munson, Corée du nord Le 11 avril à 6h05

                Lorsque Agathe se réveilla, il faisait encore sombre. Elle se redressa sur les coudes et observa la forêt alentours. Ses yeux perçaient avec difficulté les ténèbres car une épaisse brume matinale les rendait impénétrables. La jeune femme s’en remit donc à son ouïe. Elle percevait le discret chant des insectes et celui plus marqué, des oiseaux ; elle ne repéra pas le bruit des vagues sur le lac, signe que celui-ci était calme. Près d’elle, elle entendit le souffle paisible de ses camarades. Elle frissonna. Malgré son pull en laine, elle ressentait la morsure du froid. Elle se glissa hors de son sac de couchage et décida d’aller marcher près du lac afin de se réchauffer. En silence, elle s’éloigna de ses amis. Un détail avait cependant retenu son attention : ils n’étaient que trois. En passant près de la jeep, elle vit George, assis derrière le volant. Elle monta sur le siège près de lui.

                -Bonjour, la salua-t-il. Bien dormi ?

                -Etonnement bien. Et vous ?

                -Je n’ai pas fermé l’œil. A vrai dire, je ne cessais de penser à ce qui nous attend aujourd’hui. J’ai regardé sur la balise. Nous allons devoir traverser une large zone urbaine. J’ai peur que nous ne puissions passer inaperçus.

                -Hier non plus, nous ne le pouvions pas, lui rappela-t-elle. Pourtant, nous nous en sommes sortis.

                -Hier, il n’y avait que quelques paysans. Aujourd’hui, nous allons croiser beaucoup plus de monde. Et puis, la balise émet des ondes qui risquent de nous faire repérer.

                -Nous n’aurons qu’à couper momentanément l’alimentation, proposa la journaliste.

                -Et comment nous orienterons-nous si nous éteignons la balise ?

                -Alors laissons-la allumée. Et, puisque Lyov l’a équipée d’un logiciel capable de brouiller les ondes, elle ne devrait pas en émettre.

                -Si nous faisons cela, les autorités nous suivrons à la trace en relevant tous les endroits où les communications ont été coupées, car elles le seront forcément sur notre passage, intervint Lyov qui venait de les rejoindre et s’était accoudé à la fenêtre ouverte de la voiture.

                -Bon, soupira Agathe. Lyov, tu n’as qu’à désactiver le logiciel et le tour est joué !

                -La balise émettra alors des ondes et nous serons repérés, rappela le Russe.

                -C’est un risque à prendre, les coupa le médecin en s’approchant. De toute façons, il y a tellement de communications dans une ville que nous avons peu de chance d’attirer l’attention des autorités.

                -Aurais-tu oublié où nous sommes, Lena ? fit remarquer Michael que tout ce bruit avait réveillé. En Corée du Nord ! Je pense que tout est sous surveillance dans ce pays, donc nous ne passerons pas inaperçus. Du reste, pas sûr qu’il y ait beaucoup de communications et par conséquent d’ondes dans le coin.

                La Corée du Nord n’était pas en effet connue pour l’usage abusif que ces habitants faisaient du téléphone.

                -Contournons la zone urbaine, conseilla, excédée, Agathe.

                -Trop long, marmonna Michael.

                -Faites comme vous voulez, de toute façon, il nous faudra prendre des risques à un moment ou à un autre !

                Agathe sortit de la voiture au moment où George commentait :

                -Je crois qu’elle a raison.

                Elle ignora le reste de la conversation et commença à ranger son sac de couchage.  Au bout d’un moment, les autres la rejoignirent et firent de même en silence. Lorsque tout le monde fut prêt à partir, George leur annonça :

                -J’ai pris une décision. Nous allons traverser la ville. La balise nous guidera. Nous désactiverons le logiciel destiné à brouiller les ondes et nous verrons bien. Les autorités nous repéreront certainement mais, si nous sommes rapides, nous aurons quitté la zone urbaine et remis en marche le logiciel de Lyov avant qu’elles ne se lancent à notre poursuite. Des questions ?

                Le Russe, l’Allemande, l’Américain et la Française firent signe qu’ils approuvaient. Ils se dirigèrent vers la jeep. George prit le volant, Agathe se plaça près de lui. Les trois autres s’assirent sur la banquette arrière, Lena au centre. La voiture démarra et s’élança sur le mauvais chemin de terre en direction du sortir de la forêt. La brume se leva en même temps que le jour sans qu’aucune parole n’ait été échangée à bord du véhicule. Lyov rompit finalement le doux ronronnement du moteur qui les berçait en allumant son ordinateur. Tous l’entendirent pianoter rapidement sur le clavier et une seule question se retrouva finalement dans tous les esprits et au bord de toutes les lèvres : que faisait-il donc de si intéressant ? Agathe décida de couper court à la monotonie du voyage en sortant son magnétophone. Elle commença par raconter les derniers évènements à voix haute dans le micro. Le silence avait élu domicile dans l’habitacle et on entendait plus désormais que la voix de conteuse de la jeune femme, comme si le moteur s’était arrêté pour écouter le récit de faits que personne ne semblait avoir vécu et que tous avaient l’air de découvrir pour la première fois. Aucun des membres de l’équipe ne protesta lorsque Agathe ajouta que des tensions avaient commencé à naître au sein de la petite troupe. Elle expliqua que cela était sans aucun doute dû au fait qu’ils étaient tous loin de leur famille et que cela était difficile à vivre car ils ignoraient s’ils reverraient leurs proches un jour. La journaliste leur proposa d’enregistrer chacun leur tour un message destiné à leurs proches. Elle laissa ensuite le magnétophone passer de mains en mains tandis que chacun parlait dans le microphone et s’adressait à ceux qu’il aimait dans sa langue. Tous écoutèrent religieusement sans faire de commentaire sur ce qu’ils comprenaient. Agathe tint l’enregistreur pour George qui, même s’il n’avait pas de famille, avait le droit de laisser un message. Agathe fut la dernière à parler à ceux qu’elle aimait dans le magnétophone.


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