• La Chronique : portraits

         La chronique est la rubrique qui donne son nom au blog car c'est pour la partager avec vous que j'ai créé celui-ci. Elle regroupe les descriptions anonymes de personnes réelles que j'ai croisées dans les transports en commun et qui ont retenu mon attention, certaines grâce à la sympathie qu'elles dégageaient, d'autres parce qu'au contraire elles n'en inspiraient aucune et d'autres parce qu'à la question "pourrais-je leur consacrer un roman entier ?" je répondais par oui. La chronique est une œuvre littéraire dont la vocation n'est pas de donner une vision véridique et objective des personnes décrites.

         Il y a de plus quelques règles et tout le monde ne peut pas figurer dans cette chronique :

    1- La personne décrite doit m'être totalement inconnue, je ne dois connaître ni son nom, ni son lieu de résidence ou de travail afin qu'elle reste anonyme.

    2- Je dois l'avoir rencontrée dans les transports en commun ou à proximité des arrêts.

    3- Il faut que je ne lui ai jamais parlé.

    4-La description ne doit comporter aucun élément trop caractéristique permettant de reconnaître la personne décrite à coup sûr.

     

         Il me faut préciser que le but premier de cette chronique est de me permettre de m'exercer à la description tout en faisant aussi parler mon imagination : tout ce qui ne relève pas en effet d'une description physique ou de paroles rapportées est pure invention de ma part, il s'agit des impressions que j'ai eu en voyant ces personnes. Je n'écris donc pas dans le but de diffamer et c'est la raison pour laquelle chacun de ces visages est anonyme hormis le titre de l'article qui sert de brève introduction à la description qui suit.

     

         Je crois avoir pris toutes les précautions nécessaires pour que chacun d'entre vous puissiez comprendre ma démarche et son caractère purement artistique.

         Alors je vous souhaite une bonne lecture !

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                C’est la troisième fois. Cet homme emprunte sans doute cette ligne de métro tous les jours à la même heure. Il monte toujours dans le premier wagon. Son élégance se ressent dans sa tenue vestimentaire, toujours impeccable, depuis les chaussures en cuir brun et le pantalon de costume, jusqu’aux manches blanches de sa chemise qui dépassent à peine de son long manteau. Il fait froid alors il porte une écharpe. Sa barbe poivre et sel, à l’image de ses cheveux soigneusement peignés en arrière, est bien entretenue. Ses lunettes à monture épaisse en plastique sombre donnent un peu de caractère à son doux regard bleu. C’est sans doute ce détail qui le différencie du dormeur du train, car ils se ressemblent beaucoup. Il est assis sur un strapontin et c’est déjà la troisième fois en quelques mois qu’on a l’occasion de le croiser. Qui est-il ? Où va-t-il ? Le savoir briserait le charme.

     


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                Il est habillé avec élégance. Sa chemise bleu clair, assortie à son pantalon de costume bleu marine et rehaussée par la couleur beige de sa veste bien coupée, lui donne un air calme. Il a coiffé ses cheveux bruns en arrière avec du gel ; il semble sûr de lui et hautain. D’un regard aussi discret qu’il est appuyé, il dévisage un jeune en survêtement qui passe un appel avec son smartphone Apple. Son langage ne reflète pas une bonne éducation. L’autre détourne les yeux vers la feuille qu’il tient dans la main et hausse un sourcil perplexe. Il jette un second coup d’œil à l’adolescent qui a raccroché et est avachi sur son strapontin. Cette fois, le haussement de sourcil est très nettement dédaigneux. Il range dans sa veste son papier et reporte son attention vers un couple. La jeune femme préfère se tenir à la taille de son compagnon plutôt qu’aux barres prévues à cet effet. Le dit compagnon, lui, ne se tient pas du tout. Il a figé ses pieds dans le sol, l’un vers l’avant du métro et l’autre vers l’arrière, en léger décalage l’un par rapport à l’autre afin de se donner plus de stabilité. Le jeune homme hautain, après avoir détaillé la posture de l’autre lui lance un haussement de sourcil méprisant ; l’autre étant de dos, il sait qu’il ne l’a pas remarqué. Le métro s’arrête enfin à sa station alors il sort. Ce jeune homme hautain fait partie de ces individus que la curiosité pousse à observer ceux qu’ils croisent. Comme ils ne les connaissent pas, ils les jugent selon leur apparence ; ils les jugent mal. Un jour prochain ils s’en mordront les doigts. Mais pour l’instant, ils continuent.


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  •             Il s’appelle peut-être Arthur. La seule chose de certaine est qu’il dort, ou du moins qu’il somnole. Il est monté dans le TGV quand celui-ci s’est arrêté dans une grande ville, en même temps que d’autres hommes bien habillés. Ils vont tous à Paris, certainement pour le travail. Notre Arthur, lui, après avoir redressé son siège en donnant un coup avec ses deux genoux dedans, s’est assis, et s’est endormi presque immédiatement. Il a posé dans le filet au dos du siège devant lui un livre de Patrick Modiano : De si braves garçons. Quel intérêt de prendre un livre dans le train si c’est pour dormir devant ? Le personnage sur la couverture le dévisage avec son unique œil non dissimulé par le filet.

                Arthur a donc la quarantaine bien tassée. Il porte une veste en tissu bleue marine, sa chemise blanche, en dessous, est en grande partie cachée par l’imposant foulard d’un blanc immaculé qui encercle son cou et fait des frous-frous sur sa poitrine rappelant un peu la façon dont s’habillaient les aristocrates au siècle des Lumières. Ceinture en cuir brun foncée, pantalon en tissu brun clair et chaussures recouvertes de velours brun crème. Une belle déclinaison de couleur. La touche finale est apportée par un mouchoir en tissu satiné correctement plié qui dessine un rectangle de deux millimètres de largueur dépassant de la poche de sa veste, celle qui est placée au niveau du cœur. Ces cheveux grisonnants devaient être autrefois châtains et quand à sa barbe d’un jour ou deux, on voit qu’il s’en occupe bien. De toute évidence, Arthur fait très attention à son allure générale, il veut faire bonne impression, peut-être même séduire. Mais il a l’air d’un homme cruel.

                Si on regarde plus attentivement ses vêtements, on s’aperçoit d’abord que la semelle de ses chaussures est usée au niveau du talons, puis que les quatre boutons de manchettes de sa veste, recouverts de velours sombres, sont élimés. Ce sont de toute évidence des vêtements qu’il porte souvent. Quand à son visage aux yeux fermés, aux cils courts incroyablement réguliers, il a l’air paisible même s’il est par moment secoué, lorsque la tête tombe sur son épaule et qu’il la redresse habilement. Parfois, ses paupières tremblent, comme s’il rêvait, et ses lèvres bougent, comme s’il embrassait quelqu’un. Une femme sans doute, une femme qu’il aime vraiment et qui l’aime en retour. Tant que ses yeux restent clos, la rêverie peut se poursuivre, il semble presque sympathique. Mais lorsqu’il a ouvert les yeux, c’est devenu évident, l’intuition était bonne, il a l’air cruel. Il séduit et abandonne, il a fait ça toute sa vie, pourquoi ne pas continuer ? Il reprend son attaché-case au moment où le train entre en gare, récupère une valise sur la plate-forme entre-deux wagons puis s’éloigne sur le quai.


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  •             Le bourreau est une femme. Elle porte des vêtements confortables qui ne la gênent pas pour perpétrer son crime sous les regards effarés des autres passagers du train. Ils n’osent pas intervenir. A peine assise, elle dégaine son arme et la pointe sur sa victime. C’est une récidiviste : la peau d’albâtre du pauvre torturé présente de nombreuses marques que l’objet contondant a laissé avec une précision chirurgicale. L’otage frémit tandis que son bourreau promène un regard aiguisé sur lui, à l’affût de l’endroit parfait pour y planter son arme rose fluo. Soudain, son œil s’illumine et elle s’élance. La victime laisse échapper quelques légers crissements sous les coups répétés que lui assène l’autre avec un sérieux indéniable. Elle prend à peine un instant de réflexion et continue son œuvre. Macabre. Angoisse. Terrorisera. Tels sont les mots qu’elle entrecroise sur le dos de l’otage qui expire dans un cri déchirant. Aucun doute possible, la cruciverbiste aguerrie est vraiment la terreur de tous les magazines.


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  •             Un poivron vert sur la tête. De courtes et blanches mèches rebelles dépassent de ce drôle de chapeau en laine. L’excentrique porte des lunettes de vue à monture en plastique et ses yeux restent fixés sur un livre. D'après la faible épaisseur de papier formée par les pages rabattues sur la couverture de gauche, elle vient de le commencer. En se penchant vers la fenêtre, on peut déchiffrer le titre mais il faut s’aider du reflet pour connaître le nom de l’auteur. Il s’agit de « Vers la sobriété heureuse » de Pierre Rabhi. La lectrice a une mâchoire carrée, des rides accentuées par la concentration et aussi des collants rouges. Elle porte une jupe qui s’arrête au-dessus du genou. Pourtant il fait froid. Cela n’a pas l’air de la préoccuper. Elle ferme négligemment son livre et marque la page avec son index droit. La couverture est restée ouverte alors en contournant le siège de sa propriétaire, on peut lire une date, notée au crayon de papier sur la première page : 19/12/15.


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  •             Sac à dos noir d’une célèbre marque sur les épaules, sweat à capuche sombre, jeans et baskets, cet adolescent attend le tramway. Il écoute deux ou trois filles de son âge qui discutent. Ses cheveux bruns sont courts. Le tramway arrive et il entre. Il a des jambes incroyablement fines mises en valeur par la coupe slim de son pantalon. A l’intérieur de la rame, il se retourne pour faire face à la porte. De minces sourcils bien dessinés et dont le trait souligne un caractère affirmé contrastent avec la blancheur de ce visage juvénile. A bien l’observer, le côté très féminin de sa physionomie fait douter. Il prend la parole pour participer à la conversation de ses amies. C’est officiel : il s’agit d’une fille.


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  •             La coupe de cheveux retient l’attention : Justin Bieber. Les lunettes et le dos légèrement voûté aussi : Christophe Willem. Avis à tous ceux qui se destinent à une carrière de sosie : il faut choisir une seule célébrité ou en alterner plusieurs : Bieber le jour, Willem la nuit, ou l’inverse, selon ce que vous assumez le plus. Mais pas de mélange, ou on ne s’y retrouve plus !


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  •             C’est pas compliqué : y a tout qui tombe. Ses longs, très longs cheveux blonds, sa veste noire avec des lanières de cuir sur le haut des bras pour un effet épaulettes, son foulard vert, son sac mal ajusté à son épaule et même les poches de son pantalon qui n’hésiteraient pas à se décrocher si elles le pouvaient. Quoi dire de plus, si ce n’est qu’il semble d’une humeur aussi dégoulinante que son excentrique tenue.


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  •             Elle a l’air timide, discret et solitaire. Teint pâle, moue boudeuse, petite paire de lunettes ajustée sur le haut du nez. Ecouteurs bleu électrique vissés dans les oreilles, elle regarde autour d’elle avec méfiance. Elle porte une veste un peu épaisse pour la saison, un haut à fleurs et un legging noir. Elle doit être étudiante. Tout à fait le genre de fille qui n’a pas beaucoup d’amis, gentille mais un peu collante si on a la bonne idée de lui manifester de la sympathie.


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  •             Elle l’attend toujours à l’arrêt du tramway. Petite dame assez élégante avec une coupe au carré blonde et des lunettes fines. Elle attend son homme. Il arrive souvent de justesse et manque rater le tramway. De taille moyenne, teint rougeaud, lèvres épaisses, cheveux gras, lunettes dans un état déplorable. Ils s’embrassent sur la bouche. Ils ne doivent pas vivre ensemble mais ils sont ensemble et travaillent ensemble à ce qu’il semble : ils ont chacun un sac en plastique, elle Camaïeu et lui Micromania, avec leur repas de midi à l’intérieur. Ils ont l’air heureux, enfermés dans leur routine.


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